Bousculer l’ordre établi : le rôle de la philanthropie dans l’émancipation des femmes et l’égalité des chances

Par Yann Borgstedt, entrepreneur et philanthrope suisse, fondateur et président de la Fondation Womanity  qu’il a créée en 2005. Il siège également au conseil d’administration du “Gender Equality Project”, une fondation suisse qui œuvre en faveur de l’égalité des chances professionnelles entre les hommes et les femmes.

© D.R.En Afghanistan, alors que les femmes sont réduites au silence et privées de leurs droits fondamentaux, nous, société civile et philanthropes, avons le devoir de faire entendre leur voix. Le constat d’Antonio Guterres, secrétaire général de l’ONU, selon lequel nous assistons à un “retour en arrière” pour les droits des femmes, résonne comme un appel à l’action. Dans ce paysage d’injustice, des individus et des organisations s’élèvent pour ouvrir des voies alternatives. Loin d’être seulement des donateurs, les philanthropes peuvent jouer un rôle clé en participant à la transformation sociale. Philanthropes, humanistes, bousculons l’ordre établi.

Et pourquoi pas la philanthropie ?

La philanthropie, à la différence de la charité, cherche à s’attaquer aux causes profondes des problèmes sociaux, à combattre les inégalités systémiques et à offrir des opportunités là où elles n’existent pas. À une époque où les droits des femmes sont souvent bafoués par des structures étatiques ou patriarcales, la philanthropie doit s'affirmer comme un acteur de changement.

Historiquement, la philanthropie a déjà montré sa capacité à transformer les sociétés, comme en témoigne l’étude de Kristin Goss, chercheuse qui a prouvé l’impact positif des dons des fondations sur la diversification des rôles des femmes aux États-Unis. Cette dynamique de changement social n’est pas exclusive aux pays développés, elle doit s’étendre là où les inégalités sont les plus criantes, notamment dans les pays en développement. L’objectif n’est pas seulement d’apporter un soutien matériel, mais de participer à la création d’une société plus équitable, où chacun et chacune peut avoir une chance réelle de réussir. Il est temps que nos fondations prennent position dans les pays en voie de développement.

Par exemple, alors qu’un voile d’obscurité́ a recouvert la vie des Afghanes, empêchées d’accéder au savoir, nous, ONG et philanthropes, avons le devoir de créer des initiatives pour garantir un enseignement aux filles et jeunes femmes, de l'école primaire aux formations professionnelles. L’alliance de nos actions philanthropiques et des engagements féministes régionaux peuvent impulser les initiatives et la création de programmes publics pour les droits des femmes. Face à l’invisibilisation, nous répondons création d’emploi, ouverture de classes, paiement de salaires décents, négociations inlassables. Les projets dirigés par et pour les femmes, qui génèrent un impact durable sur leurs communautés, illustrent parfaitement cette dynamique. Ainsi, depuis 2010, la Fondation Womanity a lancé́ et soutenu un grand nombre d’initiatives médiatiques locales dirigées par des femmes dans la région. 

Quand la philanthropie et le féminisme s’allient pour un chemin humaniste

Depuis des décennies, les mouvements féministes se battent pour des changements structurels, et la philanthropie joue un rôle crucial en soutenant ces luttes. A ce titre, Womanity a investi 18 millions de dollars dans l'autonomisation des femmes, ce qui a touché 31 millions de personnes. Pourtant, ces initiatives ne se contentent pas de pallier les inégalités économiques, elles contribuent à les remettre en question en profondeur.

L’égalité des chances ne peut être atteinte sans cette vision collective, humaniste. Il s'agit de dépasser la question des droits des femmes pour aborder les fondements mêmes des inégalités sociales. L'accès à l'éducation, à la santé, à la propriété ou encore la lutte contre les violences doivent être traités non pas comme des privilèges, mais comme des droits humains universels. Les femmes, et plus largement les groupes marginalisés, doivent pouvoir, non seulement revendiquer ces droits, mais aussi participer activement à la redéfinition des structures sociales qui les excluent. Dans un monde interdépendant, la solidarité internationale est plus cruciale que jamais. Les efforts pour promouvoir l'égalité des chances dans les pays en développement sont indissociables de la lutte pour une justice sociale mondiale.

S’engager, bousculer l’ordre établi par une philanthropie audacieuse

Face aux inégalités persistantes et aux crises multiples, la philanthropie a le pouvoir de trouver des solutions innovantes afin de construire des sociétés plus justes. L'émancipation des femmes et l'égalité des chances ne sont pas seulement des enjeux sectoriels, mais des défis mondiaux qui concernent chacun d'entre nous, individuellement et collectivement. Dans cette quête, la philanthropie est en mesure de se montrer audacieuse, proactive et solidaire.

Les fondations doivent se mobiliser pour soutenir les droits des femmes et contribuer à l'égalité des chances, non seulement dans les pays développés, mais surtout dans ceux en développement. Toutes les personnes qui en ont les moyens et la volonté peuvent s’engager en philanthropie. Ensemble, nous pouvons bousculer l’ordre patriarcal établi et peser sur le développement des politiques publiques par nos actions concrètes. Nous avons un rôle crucial à jouer dans l’émancipation des femmes et des hommes, saisissons-le.

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