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1 Français sur 3 en situation de fragilité relationnelle : la Fondation de France publie la 13e édition de son étude sur les solitudes en France

22 janvier 2024

A l’occasion de la journée mondiale des solitudes, la Fondation de France publie la 13e édition de son étude  annuelle sur les solitudes en France, menée en collaboration avec une équipe de recherche (Cerlis et Audencia) et le Crédoc. Cette édition confirme l’ampleur de la solitude dans le pays : en 2023, 12 % des Français se trouvent en situation d’isolement total, et une personne sur 3 n’a aucun ou qu’un seul réseau de sociabilité (amis, voisins, famille, collègues ou milieu associatif). La faiblesse des interactions sociales continue de toucher prioritairement les plus modestes. En ce qui concerne le sentiment de solitude, 83 % des personnes isolées souffrent de cette situation, un chiffre en progression de 4 points par rapport à 2020. Cette édition propose un focus qualitatif sur les lieux de solitude, pour mieux comprendre les liens entre espace, territoire et isolement social. 

L’inégalité territoriale et socio-professionnelle du lien social

Les personnes isolées, de même que celles se sentant seules (1) , sont beaucoup plus nombreuses dans les zones rurales fragilisées et les quartiers prioritaires. Des territoires où le taux de pauvreté est trois fois plus élevé que la moyenne métropolitaine (2), et le taux de chômage une fois et demie supérieur. Les géographies de l’isolement se calquent donc sensiblement sur celles de la précarité, voire de la grande pauvreté.

Même si le taux de personnes isolées reste à peu près constant, passant de 11 % en 2022 à 12 % en 2023, on observe surtout une polarisation de la solitude. 
En effet, en janvier 2023, l’isolement de certaines catégories s’aggrave : c’est le cas des agriculteurs, des artisans, des employés, et surtout des ouvriers, qui affichent le taux d’isolement le plus élevé (18 %). Parallèlement, 14 % des personnes disposant de faibles ressources se trouvent isolées début 2023, soit 3 points de plus que l’ensemble de la population. Les personnes au chômage, quant à elles, sont deux fois plus concernées par l’isolement relationnel que la moyenne de la population. Enfin, l’inflation apparait comme un facteur aggravant: 7 personnes sur 10 affirment avoir réduit leurs activités extérieures en raison de la hausse des prix (3) , 5 sur 10 ont limité leur sociabilité chez eux et au-dehors. 

 Évolution de la part de personnes isolées selon la situation sur le marché du travailCP Solitudes 1 Source : Crédoc, enquêtes Conditions de vie et aspirations, de janvier 2020 à janvier 2023
Champ : personnes âgées de 15 ans et plus 

Une solitude plus durement ressentie que les années précédentes 

Parmi les personnes qui se sentent régulièrement seules, 32 % indiquent qu’elles souffrent beaucoup de cette situation, une proportion en hausse de 7 points par rapport à celle observée l’année précédente. 

« Souffrez-vous du fait de vous sentir seul ? » 

2CP Solitudes 2Source : Crédoc, enquêtes Conditions de vie et aspirations, de janvier 2020 à janvier 2023 
Champ : ensemble des personnes ayant indiqué se sentir seules « Tous les jours ou presque » ou « souvent » 

Un sentiment de solitude plus fort l’été, particulièrement chez les jeunes 

Un quart de la population déclare se sentir régulièrement seule en juillet 2023. Un chiffre en hausse de 5 points par rapport à janvier 2023. Ce sentiment est encore plus présent chez les jeunes et notamment les moins de 25 ans qui sont 45 % à l’exprimer en juillet, une hausse de presque 20 points par rapport à janvier 2023. 

Evolution de l’expression du sentiment de solitude selon l’âge

CP Solitudes 3Source : Crédoc, enquêtes Conditions de vie et aspirations, janvier et juillet 2023 
Champ : personnes de 15 ans et plus

Les lieux ouverts et gratuits comme rempart contre la solitude 

Cette année, un focus a été réalisé auprès de personnes isolées pour connaître les types de lieux dans lesquels elles se rendent régulièrement : 

• Les centres commerciaux (52 %) et les marchés ou commerces de centre-ville (42 %) sont les plus fréquentés.

• Les espaces naturels (forêt, plage, montagne) arrivent en deuxième position, avec 41 % de fréquentation régulière.

• Les lieux publics urbains, tels que places, parcs ou jardins, sont quant à eux fréquentés régulièrement par 34 % des personnes interrogées.

Les personnes isolées investissent en priorité les parcs, jardins, ou encore les marchés et centres commerciaux : puisque l’isolement va de pair avec la précarité, il semble logique qu’elles fréquentent, plus que d’autres, ces lieux ouverts et gratuits. Il semblerait aussi que les personnes seules se sentent plus légitimes dans ce type de lieux où il est plus facile de se promener seul que dans des lieux plus exposés au regard des autres.

Répartition de la population
dans les différents lieux selon leur degré d’inclusion sociale 

CP Solitudes 2024 4
Source : Crédoc, enquête Conditions de vie et aspirations, juillet 2023
Champ : personnes de 15 ans et plus

Les lieux de sociabilité : une fréquentation différenciée entre les femmes et les hommes 

La fréquentation des lieux de sociabilité varie selon le genre : à l’exception des marchés et des bibliothèques, les femmes se rendent systématiquement moins que les hommes dans les différents lieux identifiés. Et quand elles les fréquentent, c’est davantage pour les traverser, contrairement aux hommes, plus enclins à s’y installer. L’appropriation de l’espace public est donc en proie à de fortes disparités selon le genre.

S’ancrer dans un lieu pour rompre l’isolement 

La reprise des liens sociaux s’accompagne de la nécessité de s’ancrer dans un lieu. Parmi ces lieux, certains favorisent, plus que d’autres, de nouvelles rencontres. C’est le cas des associations et des équipements sportifs, où respectivement 43 % et 37 % des personnes interrogées déclarent avoir noué des liens avec de nouvelles personnes. Plus généralement, le fait de pratiquer une activité concrète, de « faire » quelque chose ensemble apparaît comme le facteur le plus favorable pour créer des liens. C’est aussi grâce à l’implication des travailleurs sociaux dans des structures dédiées (habitat partagé, tiers lieux…) que certaines personnes parviennent à rompre leur isolement. 

Exemples d’actions soutenues par la Fondation de France pour faire face à ce fléau 

Pour lutter contre l’isolement relationnel et pour la revitalisation du lien social, la Fondation de France soutient chaque année plus de 1 000 actions sur tout le territoire. Elle agit notamment sur les principaux facteurs aggravants de l’isolement, en apportant des solutions concrètes, comme la mise en place de lieux d’écoute ou de répit, l’accès au numérique, à la mobilité et à l’emploi, la création de logements intergénérationnels, etc. Parmi elles : 

Une ligne d’écoute nocturne par et pour les étudiants 
Nightline : propose des services d’écoute active tous les soirs,tenus par des étudiants et à destination des étudiants seuls et en situation de détresse psychologique profonde, ainsi que des actions de prévention relatives à la santé mentale dans  l’enseignement supérieur.

• Favoriser la cohabitation intergénérationnelle 
Générations et cultures : mis en œuvre depuis 2016 dans la région Nord Pas-de-Calais, ce programme propose à des jeunes d’être hébergés au sein d’EHPAD ou de résidences autonomie pour seniors, à un prix modéré et en contrepartie d’un petit nombre d’heures partagées avec les résidents.

Un réseau de cantines de quartier qui crée du lien 
Les petites cantines : rassemble dans un même quartier des personnes aux origines et aux parcours de vie très différents, dans le but de préparer et partager un repas.

Une école de la transition pour les jeunes éloignés de l’emploi
Le réseau des écoles ETRE : sensibilisent et forment des jeunes en situation de décrochage scolaire, de réorientation, et des primo-arrivants âgés de 16 à 25 ans aux métiers de la transition écologique : éco-construction, agriculture urbaine, économie circulaire, etc.

Un toit en entreprise pour les personnes sans-abri 
Les Bureaux du cœur : propose à des personnes en parcours de réinsertion d’être accueillies au sein d’entreprises partenaires, pour qu’elles retrouvent un cadre de stabilité et recréent du lien avec le
monde du travail.

Retrouvez l'intégralité de l'étude 

 

Depuis 2010, la Fondation de France et l’Observatoire de la philanthropie explorent le phénomène d’isolement social et relationnel par la réalisation d’études quantitatives et qualitatives annuelles. 

Méthodologie de l’enquête Solitudes 2023 : 

L’approche quantitative : une première enquête en ligne a été réalisée du 13 au 26 janvier 2023, auprès de 3 051 individus représentatifs de la population de 15 ans et plus. Une deuxième enquête en ligne s’est déroulée entre le 22 juin et le 20 juillet 2023 auprès de 3 635 individus âgés de 15 ans et plus.

L’échantillon a été interrogé par questionnaire auto-administré. Les individus des deux enquêtes ont été sélectionnés selon la méthode des quotas (région, taille d’agglomération, âge, sexe, habitat individuel ou collectif et PCS), quotas calculés d’après le dernier recensement général de la population (2019).

L’approche qualitative : l’enquête ethnographique a couvert l’Île-de-France, le Nord et les Bouches-du-Rhône. Sur ces trois territoires, l’exploration de quartiers excentrés des grands pôles urbains a été retenue en priorité. La population enquêtée dans cette recherche est double. Elle renseigne à la fois le point de vue des professionnels oeuvrant dans la lutte contre l’isolement ou en faveur du maintien du lien social et celui des personnes en situation d’solement. Plus de 30 entretiens approfondis ont été réalisés. 

 


 1 La Fondation de France mesure l’isolement relationnel en prenant en compte les contacts avec cinq réseaux de sociabilités : la famille extérieure au foyer, les amis, les voisins, les collègues de travail et les membres d’une association, d’un groupe. Sont considérées comme isolées objectivement les personnes ne rencontrant jamais physiquement les membres de l’ensemble de ces réseaux, ou les rencontrant quelques fois dans l’année ou moins souvent. Le sentiment de solitude, lui, se définit comme un état émotionnel, subjectif. Il s’agit d’un  mal-être qui s’exprime lorsque la nature des liens ne correspond plus à ce qu’un individu en attend. 
2 Etude Observatoire national de la politique de la ville 2020 
3 Etude Crédoc pour la Direction Générale de la Cohésion Sociale 2023