Du sport pour tous
Pour la Fondation de France et une trentaine de fondations sous égide, le sport est un levier exceptionnel capable d’améliorer des situations sociales, sociétales, éducatives ou sanitaires. En 2004, l’initiative « Allez les filles ! » donne corps à cette conviction. Puis en 2014, l’essai est confirmé avec un nouvel appel à projets, Sport et santé en milieu rural. Depuis 2005, la Fondation de France et les fondations sous son égide ont soutenu près de 1 000 projets sur ces thématiques, et le mouvement va crescendo.
« Avec cette femme, la première séance d’activité physique adaptée (APA), a duré cinq minutes. Mais les suivantes ont atteint la demi-heure. Quel succès, pour une personne de 45 ans en surpoids et souffrant d’un cancer du cerveau. Après dix séances, elle m’a annoncé qu’elle parvenait à se vêtir seule. Puis un jour, au lieu de se faire conduire, elle est arrivée au volant de sa voiture. Une vraie suite de victoires. » Voici l’une des preuves du bien-fondé de l’intervention de la Fondation de France sur son axe Sport et santé en milieu rural, rapportée par un porteur de projet convaincu, Yvan Baptiste qui enseigne bénévolement sa passion, l’aïkido, à Moyaux et à Glos, dans le Calvados. Il s’est formé à l’APA et à l’éducation thérapeutique du patient, pour adapter sa discipline à des seniors, des non-sportifs, ainsi qu’à des malades porteurs de pathologies chroniques et de cancers en rémission. Forte de ces résultats encourageants, son association sportive vient de créer une structure sanitaire spécifique, Etapes. Elle renforcera l’efficacité de la prévention. Le maillage sanitaire et social du Pays d’Auge y gagnera.
Les valeurs du sport déclinées dans la vie
Etapes a reçu le soutien de l’action Sport et santé en milieu rural de la Fondation de France en 2014 pour ce projet. Celui-ci est né d’une volonté claire : rendre le sport accessible aux publics qui en sont éloignés et dont il peut améliorer la condition, voire
favoriser la guérison – personnes handicapées, âgées, souffrant de maladies chroniques, vivant dans des zones rurales délaissées. Aurélie Martin, responsable du programme Sport Santé Insertion de la Fondation, explique : « Depuis 2004, nous cherchons à donner du sens à la pratique sportive, en utilisant les valeurs du sport (dépassement de soi, respect de soi, respect de l’adversaire, esprit d’équipe, goût de l’effort…) pour les décliner dans tous les aspects de la vie des personnes. Cette conviction a été renforcée en 2008. Nos deux appels à projets se sont construits dans cette logique : le premier, Allez les filles, pour élargir le champs des possibles de jeunes femmes souvent isolées, stigmatisées, et enfermées dans leur rôle de femme, de mère, de fille ou de soeur ; le second, Sport et santé en milieu rural, pour améliorer l’état de santé de personnes fragilisées en territoire rural. »
Lever les freins à l’accès à la pratique sportive
Pour ces publics, l’un des nombreux freins est l’absence de transports. La pratiquante d’Etapes parcourt 25 kilomètres pour bénéficier de l’APA. Encore a-t-elle famille et voiture. D’autres sont moins bien lotis. C’est pourquoi le Comité départemental olympique et sportif 54 a décidé de fournir aux bénéficiaires du Revenu de solidarité active une carte de bus et un plan pour rejoindre leur club. Ce trajet, au-delà de l’aspect logistique, représente également pour l’usager un nouveau pas vers l’autonomie, inscrit dans son parcours global d’insertion. À Toulouse, dans le Comminges et en Ariège, l’association Rebonds utilise le rugby comme outil sanitaire et social auprès des 8-21 ans. Elle anime notamment une section rurale : « Ici, le premier frein à lever, c’est la mobilité », confirme Jules Sire, son directeur. Grâce au soutien de Sport et santé en milieu rural en 2014, nous disposons désormais de trois minibus, un partenariat avec un loueur, plus les voitures de l’équipe et des parents complaisants : en zone rurale, le poste transport dépasse 12 % de notre budget ! ». L’association Rebonds connaît bien l’engagement sportif de la Fondation de France, car elle avait également bénéficié du soutien d’Allez les filles ! en 2010 pour son projet dans les quartiers sensibles de Toulouse. Des éducatrices de l’association, elles-mêmes joueuses de rugby, rencontrent les parents au préalable car il est difficile d’amener une jeune à ce sport sans l’adhésion de sa famille et une parfaite compréhension des bénéfices pour sa fille. « Ici encore, la Fondation de France va là où les autres ne vont pas : l’articulation entre le sport, l’insertion sociale des filles et la prise en compte de leur environnement, note Aurélie Martin. Peu à peu, notre action porte ses fruits. Les pouvoirs publics sont désormais convaincus de la nécessité d’agir par le sport auprès des filles. C’était bien moins vrai voici seulement deux ans » (lire interview de Danièle Salva, dans l'encadré). Bref, une épreuve de finesse et d’endurance pour la Fondation de France, les fondations sous son égide et les associations soutenues.
« Un espace de liberté et de confiance »
Dans un quartier prioritaire d’Avignon, Andrée et Jacques Peyronne animent un club de basket féminin depuis 37 ans. « La dimension sociale s’est créée toute seule », dit Andrée. Le club assure un suivi scolaire. Ses jeunes joueuses ont vu leurs résultats scolaires grimper. « Quand les subventions nous ont permis de recruter des personnes en service civique et en contrat d’avenir, l’Avignon sport Barbière basket a pris de l’ampleur ». Quatre seniors du club sont éducatrices spécialisées. « Chez nous, ajoute Andrée, même les mères des basketteuses découvrent un espace de liberté et de confiance ». Ce climat de respect mutuel a conduit les parents à laisser leurs filles de quinze ans partir disputer un match en Charente, sans leur famille, avec trois cadres du club. L’association a été distinguée par un Laurier 2015 de la Fondation de France pour son action. « On constate que le sport est un outil formidable d’éducation, d’insertion et pour vivre ensemble, conclut Aurélie Martin. Il serait bon de l’utiliser davantage, notamment dans le contexte de crise que connaît notre société aujourd’hui, comme par exemple à travers la prévention de la radicalisation, la lutte contre le décrochage scolaire et contre les violences... ».
« En bateau les filles ! »
À Béthune (Pas-de-Calais), un Centre d’hébergement et de réinsertion sociale accueille des jeunes femmes en situation d’exclusion. Le projet « En bateau les filles ! » du club Aviron Béthune Artois (ABA) les initie à la pratique de la rame… et bien plus. À l’ABA, le sport et l’action sociale sont liés. En 2014, une douzaine de jeunes femmes ont gagné une vraie confiance en elles grâce à la fréquentation assidue du club, et découvert au passage un ensemble de règles semblables à celles de la société. La Fondation de France a décerné un laurier régional, puis national à cette belle expérience, et cofinancé l’acquisition de douze embarcations d’entraînement. « Sur l’eau, il faut savoir faire trois choses », dit l’une de ces nouvelles pratiquantes, « s’équilibrer, se propulser et se diriger. Comme dans la vie ». L’aviron a tous les atouts pour être à la fois outil de développement personnel et vecteur d’insertion.
Interview de Danièle Salva
Outre votre formation, quels éléments ont déterminé votre engagement ?
Il y a un « avant » : je viens d’une famille où les femmes travaillent depuis longtemps – ma grand-mère était proviseure. J’ai reçu une éducation où l’égalité des sexes allait de soi ; j’ai toujours fait du sport. Et il y a un « après », lorsque j’ai découvert que ces choses ne coulaient pas toujours de source. Au début des années soixante-dix, dans un collège de l’Essonne où j’étais en poste, les problèmes liés à la mixité étaient déjà extrêmes. Les garçons se moquaient des filles. Elles refusaient donc d’assister aux cours en présence des garçons. J’ai passé mon année à persuader ces collégiennes de participer. Quand le ministère des Sports s’est attaché à ce sujet, je n’ai pas hésité à le rejoindre.
POUR ALLER PLUS LOIN
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