Sur les réseaux sociaux, une brigade d’ambassadeurs pour soutenir les jeunes en difficulté
Pendant la crise du Covid-19, la Maison des adolescents de Strasbourg a su garder le contact avec les jeunes. Cet établissement, dédié à l’accompagnement des 11-25 ans, a recruté une brigade d’ambassadeurs qui ont investi les réseaux sociaux. Une initiative qui a vocation à essaimer !
Installée dans son studio d’étudiante, Marine, qui vient de valider sa licence de psycho, raconte : « Adèle, 19 ans, s’est abonnée à mon compte Instagram mi-avril, en plein confinement. J’ai vite repéré qu’elle me suivait de près, qu’elle likait mes stories et mes post… Un matin, elle a laissé entendre, en commentaire, que ça n’allait pas fort. Je lui ai proposé de poursuivre en message privé, et elle a pu me raconter son histoire en toute confidentialité. » A 19 ans, Adèle avait dû revenir chez ses parents pour le confinement. La cohabitation se passait mal, réactivait des conflits larvés… au point qu’elle vivait dans sa chambre et cessait de se nourrir, jusqu’à faire des malaises. « On a longuement échangé, j’ai pu lui faire comprendre qu’elle n’était pas seule, l’orienter vers la Maison des adolescents où une éducatrice l’a prise en charge, en télé-consultation… ».
Soutien de pair-à-pair
Marine Meny a 22 ans, elle est à peine plus âgée qu’Adèle. Mais leur rencontre n’est pas le fruit du hasard : Marine est l’une des « ambassadrices » de la MDA - Maison des adolescents - de Strasbourg. Au sein d’une équipe d’une vingtaine d’étudiants volontaires, elle a ainsi assuré pendant le confinement une présence sur les réseaux sociaux, destinée à informer et accompagner les jeunes. La démarche s’est mise en place en urgence pendant la crise du Covid, mais elle « couvait » depuis un moment. « Nous réfléchissions en effet à ce défi : comment toucher les adolescents en souffrance mais invisibles, parfois isolés en zone rurale ou n’osant pas pousser la porte d’une institution comme la nôtre, explique Delphine Rideau, directrice de la MDA. La réponse s’imposait : en allant là où ils sont, c’est à dire sur les réseaux sociaux ! Quand la Maison a dû fermer mi-mars, et que tous nos services ont basculé en télé-travail et télé-consultation… il a fallu passer très rapidement à l’action ».
Instagram, Snapchat, Twitter, Facebook et Tiktok : nouveaux espace d’écoute et d’échanges
Avec le soutien de la Fondation de France, l’équipe de la MDA recrute alors près de 25 jeunes, étudiants en psycho (comme Marine), en écoles d’infirmière ou de travail social… tous contactés via des groupes Facebook ! Un cadre commun est posé : il s’agit de créer des profils explicitement rattachés à la MDA, qui se déploient sur les réseaux préférés des jeunes de 12 à 25 ans : Instagram, Snapchat, Twitter, Facebook, Discord et Tiktok. Puis de communiquer régulièrement, en produisant des contenus, en dialoguant avec ses abonnés, en s’abonnant à des groupes… bref, en développant une vie sociale numérique avec sa communauté. « Ces échanges visaient à la fois à informer, à divertir, et à faire de la prévention, notamment en facilitant l’identification de situations à risque », explique Claire Rieffel, psychologue à la Maison des adolescents et en charge du projet.
Etre soi-même pour être avec les autres
Diffusion d’informations sur les gestes barrières, organisation de « défis confinés », sondages sur les émotions et le vécu du confinement, partages de musiques, de recettes, de photos de voyages, d’astuce beauté… les ambassadeurs ont déployé toute une gamme de contenus, en fonction des centres d’intérêt et de la sensibilité de chacun. « Sur les réseaux sociaux, l’authenticité est gage de succès. Donc, pas question d’industrialiser la démarche avec un modèle de community management uniformisé, souligne encore Claire Rieffel. Chaque ambassadeur a exprimé sa sensibilité. En revanche, il était indispensable de partager l’expérience des différents ambassadeurs. Chacun était suivi par un référent, et deux fois par semaine, des visio-conférences ont permis de se retrouver par groupes de huit, pour échanger sur nos méthodes, nos résultats, nos ressentis. »
Contact informel… et situations d’urgence
Au total, le dispositif a permis de toucher plus de 200 jeunes, essentiellement sur la région de Strasbourg. La plupart ont réussi à traverser cette période sans difficulté majeure, ils ont découvert la Maison des adolescents, peuvent y avoir recours ultérieurement et en parler autour d’eux. Mais des situations graves ont pu aussi être repérées, « comme ces deux jeunes filles qui ont révélé être victimes d’abus sexuels dans leurs familles, et que nous avons pu signaler à la justice, raconte Delphine Rideau. Sans ce dispositif, il est probable qu’elles n’auraient pas été secourues. Heureusement, de manière générale, les adolescents ont relativement bien résisté. Mais pour certains, le confinement, puis le déconfinement, ont révélé des fragilités latentes, notamment des états d’anxiété et de stress vis-à-vis de l’école. »
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Objectif capitalisation
Depuis début juin, les services « en présentiel » reprenant progressivement, l’équipe est passée de 23 à 13 ambassadeurs. Mais le dispositif a démontré son efficacité et une nouvelle « promo » de jeunes ambassadeurs sera recrutée en septembre pour faire vivre le projet au moins jusqu’à la fin de l’année. « Et une nouvelle étape s’ouvre, celle de la capitalisation et de la généralisation de l’expérience, souligne Mélanie Hubault, responsable du programme Santé des jeunes, qui a suivi et soutenu ce projet. Pour accompagner les adolescents, la problématique d’une écoute et d’une présence des soignants sur les réseaux sociaux se pose partout ! Aujourd’hui, avec la MDA de Strasbourg, nous réfléchissons à la pérennisation de ce projet. Par exemple en l’inscrivant dans les cursus de formation, avec les écoles de soin et de travail social et les facultés de psychologie du territoire Grand Est… et pourquoi pas au-delà. Cette initiative exemplaire ne doit pas rester isolée ! ».
Les MDA, une approche pluridisciplinaire des adolescents
Les Maisons des adolescents (MDA) sont des structures d'accueil et de soins destinées aux adolescents. Créées depuis la Conférence sur la famille de 2004, les 84 MDA réparties sur le territoire accueillent les 11- 25 ans ainsi que leurs familles pour apporter une réponse aux souffrances liées à l’adolescence (décrochage scolaire, questionnement lié à la sexualité, aux addictions...). Pluridisciplinaire, les Maisons des ados proposent également des espaces d’échanges et de ressources pour tous les professionnels concernés, sous forme de rencontres, de colloques ou de formations.
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