Entretien avec Vincent Delbos
Vincent Delbos est Président du Comité Prisons de la Fondation de France.
Vous êtes magistrat honoraire et depuis trois ans et vous présidez le Comité Prisons de la Fondation de France. Pourquoi avez-vous accepté cette mission ?
En tant que magistrat, j’ai toujours exercé mes fonctions avec le sentiment que les questions d’enfermement et de réinsertion ne concernaient pas uniquement l’administration pénitentiaire ou la justice. C’est l’affaire de toute la société. Je suis aujourd’hui membre du Comité européen pour la prévention de la torture et des peines ou traitements inhumains. La question de la dignité est essentielle. J’ai accepté bien volontiers de rejoindre bénévolement la Fondation de France pour sa dimension multi-causes qui inscrit la problématique de la prison dans un ensemble plus vaste de solidarité et d’insertion.
Le programme Prisons existe depuis plus dix ans. À quelles problématiques s’attaque-t-il et quels axes d’intervention privilégie-t-il ?
Aujourd’hui en France, le taux d’occupation des prisons est de plus de 130 %. La surpopulation carcérale porte d’abord atteinte à la dignité des personnes et l’enfermement est devenu une trappe supplémentaire de désinsertion qu’il faut combattre. Le programme comprend trois leviers d’action : le développement des peines alternatives à l’emprisonnement comme le travail d’intérêt général, la réinsertion socio-professionnelle par des dispositifs d’accompagnement pendant et après l’incarcération et, enfin, le maintien des liens familiaux en milieu carcéral. Nous soutenons des projets qui innovent pour transformer le regard
sur la prison, comme les Beaux Mets, à Marseille, le premier restaurant d’insertion en milieu pénitentiaire, l’un des projets Pépites de la Fondation de France en 2023.
Quels ont été les événements ou faits marquants de l’année ?
Cette année encore, nous avons amplifié les coopérations avec d’autres comités pour agir collectivement sur la problématique de la prison, qui doit être l’affaire de toutes et tous dans une société démocratique. Nous avons notamment travaillé avec les équipes de la Fondation de France qui agissent dans le domaine de la transition écologique et de la culture. Ces rapprochements permettent d’aborder le sujet de la prison de manière plus systémique et de renforcer l’impact de nos actions. L’essaimage des fermes d’insertion développées par Emmaüs permet par exemple d’embarquer les personnes sous contrainte de justice dans le train d’une transition écologique juste. Pour contribuer à changer le regard, nous avons également soutenu avec le ministère de la Justice et le Conseil de l’Europe les rencontres Concertina à Dieulefit, dans la Drôme, qui sensibilisent chaque année grand public, artistes, universitaires et acteurs de terrain aux questions de l’enfermement.