La lutte contre la maladie d'Alzheimer : un défi social
Le 9 septembre 2019, le collectif « Alzheimer Ensemble Construisons l’avenir » organisait à Nice sa première rencontre territoriale, en partenariat avec la Fondation de France. L’occasion de présenter le projet pilote et de récompenser les lauréats de la 4e édition du prix Fondation Médéric Alzheimer/Fondation de France. Rencontre avec Agathe Gestin, responsable du programme personnes âgées.
« Bâtir une société inclusive », c’est le titre de ces premières journées territoriales Alzheimer Ensemble… pourquoi ce thème ?
On compte 1,1 million de personnes concernées aujourd’hui par ces maladies, et elles seront 1,7 million en 2030…Malgré les progrès de la recherche, malgré l’amélioration des prises en charge, nous ne savons pas encore guérir ces maladies neuro-évolutives. Comment adapter la société ? Quelle place faire aux personnes malades dans l’entreprise, dans leur quartier, dans les commerces… Comment faire en sorte que leur vie quotidienne soit facilitée et se poursuive dans les meilleures conditions de dignité et de participation, pour qu’elles restent des citoyens à part entière, vivant au grand jour… et non des personnes reléguées et infantilisées ? En parallèle des approches médicales, il est urgent de penser la maladie d’Alzheimer à travers ce prisme sociétal.
À télécharger
La brochure « Maladie d'Alzheimer, pour une société inclusive »
Quelles ont été les principales étapes de l’engagement de la Fondation de France sur cette cause ?
Pour le programme Personnes âgées de la Fondation de France, cette démarche entrait en résonnance avec notre approche globale, bien résumée par notre appel à projet: « Vieillir acteur et citoyen de son territoire ». 2016 a marqué les débuts du partenariat entre la Fondation de France et la Fondation Médéric Alzheimer, avec la création du Prix Alzheimer pour une société solidaire et inclusive. Par la suite, nous avons contribué au développement d’un réseau de chercheurs et de porteurs de projets, et à l’organisation des Assises de la recherche et de l’innovation sociale en 2017. Troisième volet de cette collaboration : le projet pilote de recherche et d’innovation sociale « Pour une société inclusive » engagé depuis fin 2017. Ce projet pilote se déroule en trois temps. Une première phase exploratoire : pendant plus de six mois, les consultants missionnés par nos Fondations ont sillonné l’Europe, à la rencontre des associations, des institutions, des communautés qui inventent une société plus accueillante pour les personnes vivant avec des troubles cognitifs. Au final, 15 initiatives européennes ont été retenues et ont fait l’objet d’une enquête sur site. Le rapport issu de ce travail d’enquête met en lumière des démarches inspirantes, identifie les leviers de succès et les limites, les difficultés rencontrées. La seconde phase, qui a débuté en février 2019, consiste à soutenir en France, six expériences directement inspirées de la phase d’enquête.
Elles concernent le cinéma à Nancy, les transports à Pau, la police à Versailles, les commerces de proximité à Nice, la littérature jeunesse à Lyon et un repas inclusif à Pont-Saint-Vincent. Une troisième phase d’essaimage est prévue.
Et demain, quelles sont les perspectives de cette démarche avec la Fondation Médéric Alzheimer ?
Essaimage, c’est le mot clef ! C’est le sens de la publication de la brochure« Maladie d’Alzheimer, pour une société inclusive », qui synthétise les résultats de la phase d’enquête en Europe. Au-delà de la phase d’incubation d’initiatives innovantes, notre enjeu est de mobiliser d’autres partenaires avec ce message simple : « Il existe ailleurs des projets qui marchent, ne sont pas si compliqués ni si coûteux à mettre en place ». Nos deux fondations ne pourront pas, seules, systématiser les bonnes pratiques sur toute la France. Nous espérons donc que d’autres s’empareront du sujet : acteurs économiques et sociaux, associations de malades, collectivités territoriales… C’est le sens des rencontres territoriales de Nice, qui permettent aux acteurs de partager et confronter leurs expériences et du Prix Fondation Médéric Alzheimer/Fondation de France, qui met en lumière des initiatives particulièrement fortes et innovantes.
« L’enjeu de la «société inclusive » : organiser collectivement un environnement solidaire et bienveillant, qui soit porteur et évite ou retarde les phénomènes d’isolement et d’exclusion. »
Agathe Gestin, responsable du programme personnes âgées
Des commerces sensibilisés
Pour améliorer l’inclusion des personnes malades dans la cité, l’Institut Claude Pompidou à Nice a décidé d’ouvrir la structure sur le quartier, en profitant de sa situation géographique en proximité d’une rue commerçante desservie par le tram. Ce projet vise à mobiliser les commerçants du quartier en les sensibilisant à la maladie d’Alzheimer et aux maladies apparentées.
Droit à la mobilité !
Mon Copilote, entreprise sociale et solidaire, a pour but de faciliter la mobilité des personnes en situation de handicap et des personnes âgées. Par le biais de sa plateforme et/ou d’un accueil téléphonique, les personnes qui ont besoin d’aide dans leurs déplacements sont mises en relation avec des accompagnateurs bénévoles. Les accompagnements se font pour les déplacements à pied, en transport en commun ou en voiture. En partenariat avec la société de transport Idélis, le Centre communal d’action sociale (CCAS) de Pau, ainsi que l’association France Alzheimer, une réflexion est menée pour former des bénévoles à l’accompagnement des personnes ayant des troubles cognitifs, sensibiliser les personnels d’Idélis et les habitants de Pau, faire évoluer les services d’Idélis afin de rendre les déplacements en transports publics dans la ville plus aisés et plus attractifs pour les personnes ayant des troubles cognitifs.
Une police mieux formée
Les personnes ayant des troubles cognitifs ne fuguent pas mais peuvent se perdre. La police étant souvent confrontée à des situations difficiles avec des personnes manifestant des troubles neuro-cognitifs qui peinent à donner leur identité, leur adresse, peuvent être agîtées, il importe de former les policiers. C’est dans cette démarche que la ville de Versailles s’engage en lançant une collaboration entre le CCAS et la police.
Des salles obscures… plus inclusives !
Des séances de cinéma adaptées aux personnes malades (avec une luminosité et une sonorité modulées, intégrant un entracte, un temps d’échange à l’issue de la séance, des animations spécifiques, etc) : c’est le projet porté par Thérèse Jonveaux, neurologue au CHRU de Nancy. Objectif : offrir aux personnes malades et à leurs proches des moments de convivialité et de distraction, mobiliser les acteurs de proximité et ainsi permettre aux personnes malades de continuer à être incluses dans la vie de la cité.
Resto pour tous
La maladie d’Alzheimer entraîne une difficulté à bien s’alimenter ; elle peut également générer une désocialisation des personnes malades. Pour contrer ces phénomènes, l’association Mémoire et Santé à Marseille organise les repas « sans fourchette » : des repas adaptés, proposés dans des restaurants, en partenariat avec des lycées hôteliers. Les repas sont ouverts à des personnes vivant à domicile ou en institution, ainsi qu’à leurs proches et à des professionnels. En partenariat avec le lycée professionnel La Tournelle de Pont-Saint-Vincent, une expérimentation est menée pour sensibiliser et impliquer dans cette démarche les apprentis du CAP Agent polyvalent de restauration et les élèves aides-soignants..
Changer le regard
Créé en 1996 et désormais porté par l'Uniopss, le Prix Chronos de littérature propose à un jury de lecteurs (de 5 à 105 ans), de découvrir des ouvrages ayant pour thèmes les relations entre les générations, la transmission du savoir, le parcours de vie, la vieillesse, la mort. En utilisant le livre comme médiateur, ce projet vise à modifier les représentations sur la vieillesse et à sensibiliser au vivre ensemble. Une sélection de livres évoquant plus précisément la maladie d’Alzheimer a été réalisée et comporte une centaine d’ouvrages.