► Mettre l’éthique au cœur du soin
Très investie dans la question de l’humanisation du soin et de la relation malades/soignants, la Fondation de France soutient la formation à l’éthique des jeunes médecins dans le cadre du programme Soigner, soulager, accompagner. Focus sur l’unité d’enseignement « Médecine, Images & Cinéma » proposée à la Faculté de Santé de Créteil.
La Faculté de Santé de Créteil (Université Paris Est Créteil Val de Marne) a développé un enseignement original visant à sensibiliser à l’éthique du soin, les étudiants de 3ème et 4ème année de médecine. L’unité d’enseignement « Médecine, Images & Cinéma : mettre en scène l'éthique », proposée par Laurence Caeymaex (médecin et professeur) & Kendrys Legenty (étudiant en médecine et cinéaste), invite les étudiants à présenter une problématique éthique rencontrée au cours de leur formation et à la mettre en forme de façon créative. Ils optent ainsi pour réaliser un court-métrage, un photo-montages ou une bande dessinée qui met en scène la situation à laquelle ils ont été confrontés. Des enseignants, professionnels de l’image, de la bande dessinée et de l’éthique du soin, les accompagnent de la scénarisation jusqu’à la production artistique finale.
L’éthique, indissociable du parcours de soin
L’objectif : apprendre à trouver les mots justes, à porter un regard ouvert, créatif et authentique sur des situations, des personnes, sur eux-mêmes, à garder la bonne distance avec les patients et leur proche. Comment préserver une capacité de réflexion face à des situations éthiques complexes, humainement déstabilisantes, qui posent des dilemmes éthiques ? Et prendre le temps d’accompagner le patient et ses proches ? « Avant d’être des médecins, nous sommes des humains et nous avons besoin de bien communiquer », explique Ruben, étudiant de 3ème année de l’unité d’enseignement « Médecine, Images & Cinéma ».
Ces situations difficiles, les soignants les rencontrent au quotidien, et cela a été aggravée par la crise sanitaire. Les médecins ont été confrontés à un afflux massif de patients dans les hôpitaux, et à des situations dramatiques auxquelles ils n’étaient pas préparés, et ceci, en sachant qu'ils étaient eux aussi vulnérables face à l'épidémie. Les proches des malades ont eux aussi été très impactés, avec une rupture brutale et douloureuse du lien, en raison des distanciations sociales imposées dans les lieux de soins et qui perdurent encore aujourd’hui dans certains cas. Dans ce contexte d’urgence, comment annoncer des diagnostics engageants le pronostic vital d’un patient ? Comment protéger sans isoler ? Comment gérer le stress, la fatigue voire l’épuisement ?
« On ne peut pas arriver en expliquant de haut ce qu’est l’éthique du soin à des gens qui soignent toute la journée des personnes. Le mieux est de les faire participer en étant acteur de leur formation par les commentaires qu’ils vont faire, les histoires qu'ils vont rencontrer, les questions que cela suscite et l'imaginaire que cela ouvre. Cela leur donne l'occasion de questionner et rendre explicité le sens de leur métier, d'améliorer leur vécu de soignant et de prendre conscience des multiples facette de la qualité de la prise en charge des patients », explique Laurence Caeymaex, médecin et fondatrice de cette unité d’enseignement.
Visionnez les témoignages des étudiants dévoilant l’importance de l’enseignement à l’éthique du soin en médecine
Une formation pluridisciplinaire
En choisissant de traiter ce sujet par la création artistique, les étudiants ont permis d’analyser toutes les situations dans lesquelles ils pouvaient se trouver. Ils se sont également livrés sur leur ressenti. « La construction du scénario a révélé la manière dont on doit se comporter avec les patients et les distances à prendre. Réaliser ce film m’a permis de jauger mon investissement personnel et émotionnel avec les patients et de questionner mon moi intérieur. Car c’est important de savoir qui on est pour soigner l’autre », confesse Flore, en 4ème année de médecine.
Autre point fort du projet, favoriser une approche pluridisciplinaire où médecins et professionnels du soin (assistante sociale, infirmier, psychologue...) travaillent ensemble et font face ensemble aux situations les plus difficiles. Par exemple, Ruben a beaucoup travaillé avec des psychologues et psychiatres pour cerner les troubles bipolaires et bien le retranscrire dans sa vidéo. « Il s’agit d’une des rares formations qui poussent les étudiants à travailler de manière collégiale avec différentes professions. Ils ont un aperçu de ce que sera leur vie de médecin une fois diplômés, lorsqu’ils auront besoin de travailler avec plusieurs experts et professionnels pour soigner pleinement certains patients », souligne Laurence Caeymaex.
Découvrez les séquences de tournage et les avantages de la formation expliqués par les étudiants
Ouvrir les regards sur l’éthique de tous les jours
Essentielle, cette formation à l’éthique est pourtant optionnelle dans la formation des futurs médecins. Or les situations de conflits de valeurs qui viennent chahuter l’idéal humaniste, qui a conduits ces jeunes à faire ces études, se rencontrent tout au long de leur carrière.
Pour Laurence Caeymaex, « au-delà de former les étudiants à l’éthique du soin, il faut transmettre l’enseignement à l’éthique à tous les professionnels de soin ». Les réalisations des étudiants sont destinées à être un outil d'enseignement, et seront ainsi diffusées lors de projections-débats autour de l’éthique dans différents séminaires médicaux. Elles sont aussi utilisées pour les étudiants et les professionnels de santé, afin de s'interroger ensemble sur sa pratique, sur sa relation à l'éthique, sans être dans l'invective ou l'enseignement vertical. Ces temps de partage, de plus en plus fréquents, favoriseront les échanges pluridisciplinaires avec d'autres universitaires, des associations et les citoyens en général.