L'évaluation et la prise en charge de la douleur chez l'enfant : 3 questions à... Daniel Annequin
Vous êtes membre fondateur de l'association Pédiadol qui réunit des infirmières et des médecins travaillant sur les questions posées par la prise en charge de la douleur chez l'enfant, vous avez notamment publié un livre "T'as pas de raisons d'avoir mal !". Pourquoi la douleur chez l'enfant a-t-elle mis tant de temps à être prise en compte ?
Pendant des années, les professionnels de santé se sont appuyés sur la croyance que les jeunes enfants ne pouvaient ressentir la douleur. Argument pseudo scientifique : le système nerveux – particulièrement des nourrissons – étant immature à la naissance, il ne pouvait ni transmettre ni ressentir la douleur. En réalité, on sait maintenant que le nouveau-né et le prématuré sont plus sensibles à la douleur car les mécanismes de régulation (inhibition) ne sont pas assez développés à cet âge. Médicalement, la douleur était considérée comme quelque chose d'inéluctable, voire nécessaire ; nous étions confrontés à des certitudes fortes : "si l'on donne du paracétamol à un enfant qui a mal au ventre, on ne saura pas détecter une appendicite !". Il nous a fallu déconstruire cet argumentaire infondé.
Qu'est-ce qui vous a permis de faire ce travail de déconstruction ?
Dès 1990, nous avons centralisé toutes les données scientifiques, nous les avons résumées et traduites en français pour les diffuser via la banque de données PEDIADOL. Ensuite, nous avons organisé des journées nationales sur la douleur de l’enfant à l’UNESCO, qui ont eu un succès et un impact majeur car nous montrions de manière concrète, grâce à des vidéos, comment soulager efficacement la douleur des enfants. Nous pouvions ainsi sortir la douleur de l'enfant du domaine de la compassion, pour en faire un sujet scientifique reconnu.
Que préconisez-vous pour prendre en charge cette douleur lors des temps d'hospitalisation, ou lors d'examens douloureux ?
Les moyens médicamenteux pour la douleur des soins, comme les crèmes anesthésiantes, permettent dans une majorité de cas de réaliser des soins sans être obligé de recourir à la violence de la contention. Mais, bien qu'en 20 ans beaucoup de progrès aient été réalisés, ces moyens sont encore insuffisamment utilisés, notamment dans les laboratoires d’analyse, les cabinets de médecins et dans certains services hospitaliers.
Les moyens non médicamenteux peuvent aussi être très efficaces : la distraction, les solutions sucrées pour les bébés, l’hypno-analgésie ont démontré leur utilité. Pour cela, il faut savoir entrer en relation avec l'enfant, ce qui n'est pas toujours facile et nécessite du temps. La formation des soignants est essentielle. Il faut saluer l’importance du rôle de l’association Sparadrap, qui diffuse aux enfants et aux familles des documents de grande qualité sur la douleur de l’enfant ; ce qui permet d'ailleurs aux professionnels d’actualiser leurs connaissances.
Daniel Annequin est spécialiste de la prise en charge de la douleur chez l'enfant, en particulier liée aux soins. Il a été responsable de l'unité douleur à l'hôpital pour enfants Armand Trousseau (Paris), et est également président de l’association Pédiadol, qui relaie les connaissances sur le sujet auprès des professionnels, et membre fondateur de l’association SPARADRAP.
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