Biodiversité : focus sur les engagements du centre CREA Mont-Blanc, dans la vallée de Chamonix
L’association CREA Mont-Blanc est un centre de recherche dont la mission est de sensibiliser le grand public à l’impact du réchauffement climatique sur l’écosystème alpin, et en particulier dans la vallée de Chamonix. L’équipe de la Fondation de France Centre-Est a suivi le CREA Mont-Blanc lors de l’une de ses missions d’étude de l’écosystème des mares et des grenouilles. Entretien avec Irene Alvarez, co-directrice du CREA Mont-Blanc pour mieux comprendre les enjeux de l’association en général et de cette mission en particulier.
Quel type de recherches le CREA Mont-Blanc souhaite-t-il développer ?
L’ADN du CREA Mont-Blanc, c’est d’envisager la science du producteur au consommateur. Nous produisons les connaissances scientifiques, et en même temps, nous anticipons la façon dont nous allons les diffuser. C’est une association qui se veut un pont entre la science et la société, en mobilisant en particulier la science participative. Nous faisons appel aux citoyens dans nos recherches, notamment lors des phases de collecte de données, car nous sommes persuadés que la science peut aider à redéfinir et retrouver notre lien à la nature. La science participative réveille cette part d’émerveillement face à la nature. C’est un moyen de s’en approcher, pour (mieux) sensibiliser. C’est aussi un moyen de faire avancer la connaissance et à ce titre, nos bénévoles sont cités lors de la restitution de nos résultats scientifiques.
En quoi consiste ce projet d’étude des mares et des grenouilles au printemps ?
Aujourd’hui, la biodiversité s’effondre ! Et cela passe de manière inaperçue aux yeux du grand public. Notre rôle consiste à « développer la connaissance pour apporter l’évidence ». Depuis 2009, nous travaillons aux conséquences du changement climatique, aux changements des saisonnalités et à l’avancée du printemps dans la vallée de Chamonix. Notre idée, en nous intéressant spécifiquement aux mares et aux grenouilles rousses en montagne, est de comprendre comment une espèce d’amphibien à sang froid s’adapte à ces changements. Son développement dépendant fortement de la température, nous voulons comprendre comment elle peut survivre et s’adapter à ces changements phénologiques, et en particulier au recul de l’enneigement.
Comment est organisé ce projet ? Quels résultats ont déjà été obtenus ?
Pour l’étude de cette espèce emblématique, nous avons formé une quinzaine de bénévoles. Ils sont accompagnés d’un animateur et de chercheurs qui analysent les données collectées. Nous nous sommes rendus compte que nos bénévoles devenaient très vite autonomes, ils ont leur propre groupe de conversation et échangent régulièrement.
Nous avons besoin d’eux pour connaître la première date de ponte des grenouilles rousses dans les mares et ce, à différentes altitudes : d’abord à 1000 mètres puis à 2000 mètres. Et ce, toutes les semaines de mars à août. Car c’est au printemps que les grenouilles démarrent leur ponte. Ensuite, lorsque les œufs ont éclos, nous leur demandons de nous notifier les quatre stades de développement des têtards. Enfin, nous cherchons à savoir si les mares s’assèchent en fin d’été.
Cette mission nous a permis de démontrer qu’il existe une importante dépendance des grenouilles à la neige. Plus on monte en altitude, plus la grenouille est inféodée à la neige. En parallèle, on remarque que lorsque les mares s’assèchent, le risque est élevé pour les têtards qui sont dépendants de l’eau dans un premier temps, de ne pas atteindre à temps le stade où ils peuvent respirer à l’air libre.
Ces missions nous permettent de mieux comprendre l’écologie de montagne. Et ces résultats doivent susciter une prise de conscience, servir de curseur aux décideurs du territoire, car ces évolutions auront un impact, demain, sur le tourisme, l’agriculture, la biodiversité.
Comment la Fondation de France Centre-Est vous soutient-elle ?
Nous avons intégré le programme de la Fondation de France « Inventer Demain/Démarches territoriales ». Nous sommes aujourd’hui à un stade critique de notre développement. Notre association est modeste et nous ne sommes pas encore très connus. La Fondation de France Centre-Est va nous aider à passer un cap, à mieux nous structurer en interne. Elle soutient en particulier un projet qui devrait voir le jour en 2024 : créer un tiers-lieu scientifique à Chamonix, qui abritera notamment nos bureaux. Nous avons pour ambition d’en faire un lieu emblématique, ouvert au public et disposant d’un jardin pédagogique, véritable tremplin vers la science participative en montagne.
L’équipe du CREA Mont-Blanc et Delphine Allarousse, déléguée générale de la Fondation de France Centre-Est, sur les routes de Vallorcine.
© Justine Peilley Photographie
Chaque semaine, les bénévoles du CREA visitent les marres de la région de Chamonix afin d’étudier le développement des têtards.
© Justine Peilley Photographie
Anne Delestrade, directrice du CREA Mont-Blanc, présente les différents programmes de sciences participatives.
© Justine Peilley Photographie
Premiers bourgeons d’un mélèze étudié depuis 20 ans par de CREA dans le cadre du programme Phénoclim.
© Justine Peilley Photographie
Une quarantaine de pièges photographiques sont disséminés dans le massif du Mont-Blanc afin d’étudier les évolutions de la faune.
© Justine Peilley Photographie