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Alimentation durable : la transition s’accélère !

18 mai 2021

Santé, climat, biodiversité, lien social, développement local, emploi… les enjeux liés à l’alimentation et à l’agriculture sont nombreux ! Aujourd’hui, le circuit qui va « du champ à l’assiette » connaît des transformations rapides que la philanthropie accompagne.

Fin 2020, au cœur de la crise, la Fondation Nestlé France a interrogé les Français sur leurs pratiques et leurs représentations liées à l’alimentation. Ce premier Observatoire « Alimentation et familles », mené avec l’Ipsos[1], fait apparaître que 51 % des sondés veulent se fournir en circuits courts et soutenir la production locale, 45 % déclarent « manger plus souvent bio », et l’attention à la valeur nutritionnelle comme au gaspillage sont des valeurs en progression. Mais face à ces aspirations croissantes, les interviewés soulignent deux obstacles : le manque d’argent et de temps.

Pour Guilhem Soutou, responsable du programme Alimentation durable à la Fondation Daniel et Nina Carasso, ces résultats signent une évolution majeure. « Aujourd’hui, l’aspiration à des pratiques alimentaires responsables devient majoritaire, observe-t-il. Après dix années d’expérimentations tous azimuts, largement soutenues par la générosité privée, tous les secteurs sont en train de basculer, de développer des pratiques plus durables. Et le sujet est aujourd’hui à l’agenda politique, notamment via le Plan de relance qui dégage des moyens pour financer la transition. » Loin de les mettre en arrière-plan, la crise sanitaire est venue aiguiser ces enjeux. Jusqu’en 2020, agriculture et alimentation durable étaient essentiellement associées à des questions de santé (obésité, diabète…) et à des enjeux environnementaux (pollutions, chute de la biodiversité, émissions de carbone…). La crise Covid a imposé en plus la dimension sociale, avec une explosion de la demande d’aide alimentaire ! 

Face à l’ampleur et à la complexité du sujet, face à la multiplicité d’acteurs engagés… quelle est la partition de la philanthropie ? Ses moyens sont limités, mais elle dispose de marges de manœuvre, de réseaux et d’une agilité qui sont autant d’atouts pour faire progresser le sujet.

Encourager l’innovation et accompagner le changement d’échelle

« Notre rôle, c’est d’intervenir en complément et surtout en anticipation de l’action publique, souligne Marina Poiroux, directrice de la Fondation Léa Nature. Exemple ? Nous accompagnons depuis longtemps l’association Terre de Liens, qui mobilise des ressources pour préserver les terres agricoles et permettre à des exploitants de s’installer. Cette association a apporté la preuve de son modèle. Notre objectif est de "polliniser" ce concept et d’aider d’autres associations à le déployer, pour atteindre un seuil critique. »

Approche similaire à la Fondation Daniel et Nina Carasso. Après avoir permis à de nombreuses expérimentations locales d’émerger, elle soutient des démarches à grande échelle. « Dès 2012, nous avons accompagné la "Biovallée" dans la Drôme, qui vise à créer un éco-territoire de référence, en généralisant les pratiques de développement durable dans tous les domaines (agriculture, alimentation, production et consommation d’énergie, gestion des déchets, etc.), explique Guilhem Soutou. Aujourd’hui, nous accompagnons les transiions territoriales en soutenant neuf territoires "démonstrateurs" pour une durée de cinq ans. »

Acteur historique de la transition en matière de production agricole, la Fondation Daniel et Nina Carasso s’intéresse également à la distribution. Face à la précarité alimentaire, il s’agit de dépasser le modèle de l’aide d’urgence, avec des solutions pérennes. Comme le projet Vrac (Vers un réseau d'achat en commun), qui organise des groupements d’achats dans les quartiers prioritaires de grandes villes comme Lyon, Strasbourg, Paris, Bordeaux, Toulouse, pour faciliter l’accès à des produits de qualité issus de l’agriculture bio, grâce à la réduction des coûts intermédiaires (circuits-courts) et superflus (réduction des emballages).

D’autres fondations ont choisi de s’impliquer dans la lutte contre le gaspillage, comme la Fondation Carrefour, engagée depuis 2018 sur la transition alimentaire solidaire, de la préservation des sols jusqu’à l’assiette. Par exemple en soutenant le projet Re-Belle à Aubervilliers : il consiste à récupérer les fruits et légumes invendus par les supermarchés en Île-de-France, pour fabriquer des confitures et des chutneys qui sont ensuite revendus dans ces mêmes points de vente. Résultat : moins de gaspi, plus d’emplois ! La fondation (avec le groupe Carrefour) est également partenaire de la plateforme Solidarité associations, qui facilite les dons de produits alimentaires aux associations caritatives, luttant à la fois contre la précarité alimentaire et contre le gaspillage. Solidarité associations est une initiative collaborative qui rassemble tous les acteurs : industriels, distributeurs, transporteurs, associations, entreprises anti-gaspi et institutionnels. Une coordination qui favorise l’efficacité des actions mises en œuvre.

« Si la crise a eu un effet positif, c’est celui de reconnecter les Français à la question alimentaire. Aujourd’hui, chacun souhaite comprendre ce qu’il y a dans son assiette, savoir qui l’a produit, comment, et même participer à la production ! souligne Marie-Astrid Raoult, directrice de la Fondation Carrefour. Les frontières bougent, notamment entre le monde de la ville et celui de la campagne. Pour faciliter ces transformations, ces rapprochements, nous sommes partenaires depuis 2020 de l’Afaup, l’association française d’agriculture urbaine professionnelle, qui fédère et structure cette filière encore très jeune, où tout reste à construire. »

Diversifier les modes d’action philanthropique

La souplesse et l’agilité du secteur philanthropique lui permettent aussi d’explorer de nouveaux modes d’action, de nouveaux canaux ou partenariats.

La Fondation Louis Bonduelle, assure depuis 2004 la promotion d’une alimentation plus végétale « de manière utile, réaliste et durable ». « Dans une première phase, la fondation a essentiellement travaillé sur des projets d’information, de sensibilisation, d’éducation, dans une vingtaine de pays, précise Marjorie Gallée, coordinatrice de la fondation. Cette année, nous souhaitons accompagner les acteurs qui favorisent l’accès au végétal et qui s’engagent en faveur de la transition alimentaire ». Pour diffuser son nouvel appel à projets, elle a choisi de s’associer à la plateforme de crowdfunding Ulule.  En France, l’appel à projets a permis de retenir l’association La tablée des chefs, qui mobilise des professionnels de la restauration dans des projets de lutte contre l’insécurité alimentaire et d’éducation nutritionnelle. En complément de la collecte Ulule, la fondation apporte des fonds, mais aussi du conseil, des réseaux, sa force de frappe en matière de communication.

La Fondation Daniel et Nina Carasso a quant à elle choisi de soutenir Miimosa, la première plateforme de financement participatif dédiée à la transition agricole et alimentaire. Elle propose au public d’agir via des dons avec contrepartie, ou via des prêts avec intérêt. En six ans, ce sont plus de 4 000 projets qui ont pu être financés à hauteur de 50 millions d’euros, dont 20 millions en 2020, malgré la crise ! [2]

Certaines fondations n’hésitent pas à mobiliser leur capital en donnant du sens à leur politique de placements. « Nous utilisons le levier de l’investissement à impact, pour participer au financement de start-up qui ont à la fois un projet d’intérêt général et un modèle économique rentable, dans le domaine de la transition agricole et alimentaire », explique par exemple Marie-Stéphane Maradeix, déléguée générale de la Fondation Daniel et Nina Carasso.

Dépasser les clivages idéologiques et politiques

Sujet complexe, central et systémique… la question de la transition agricole et alimentaire est aussi un sujet inflammable, traversé par des débats idéologiques. « Par sa neutralité, la philanthropie peut contribuer à dépasser ces clivages, pour établir des faits, des constats et des savoirs scientifiques, sans lesquels aucune politique ne sera durablement efficace ! », souligne Thierry Gissinger, responsable du programme Environnement de la Fondation de France. C’est ainsi que le programme a développé un axe de recherche-action sur l’agroforesterie, un ensemble de techniques qui mobilisent les relations entre arbres, cultures et élevages, riches de promesses dans la lutte contre le changement climatique et le déclin de la biodiversité. Quant à la Fondation Louis Bonduelle, elle est partenaire de la chaire Anca (Aliment nutrition comportement alimentaire),  chaire d’enseignement et de recherche portée depuis 2011 par AgroParisTech, qui développe de nouveaux outils en matière  d’éducation nutritionnelle (serious games, modules d’e-learning …) et un ambitieux projet de mesure d’impact de la communication sur l’alimentation.

Enfin, qu’il s’agisse d’expériences de terrain ou de recherche, de production, de distribution ou de consommation… l’ensemble de ces démarches a vocation à essaimer et à nourrir le débat public et démocratique. Là encore, le rôle de la philanthropie est clé : celui d’expérimenter, de donner de l’écho et de diffuser le plus largement. Comme avec les Rencontres de l’alimentation durable, organisées par la Fondation Daniel et Nina Carasso, qui ont rassemblé cette année 1500 acteurs du secteur !


[2] L’Observatoire Alimentation et Familles repose sur une méthodologie d’analyse inédite alliant études quantitatives, analyse des conversations en ligne et observation qualitative des pratiques alimentaires réelles des familles sur une période de plus d’un an. ipsos.com/fr-fr/le-modele-alimentaire-francais-resiste-et-se...